Changer de vie pour un camping, quitter le stress de la ville et la vie de salarié, pour un environnement nature et des relations humaines plus fortes… Ils sont des dizaines chaque année à vouloir franchir le pas. Mais devenir gestionnaire de camping ne s’improvise pas. Au-delà des qualités personnelles que la profession nécessite, l’étude financière du projet mérite qu’on se pose quelques questions fondamentales.
Nombreuses sont les personnes, précédemment investies dans des secteurs où les contraintes quotidiennes pèsent énormément, qui rêvent de réorienter leur activité professionnelle vers le camping, un domaine où il serait possible de marier une certaine qualité de vie à une activité rémunératrice à fort potentiel de capitalisation. Cependant, être exploitant de terrain de camping ne s’improvise pas. La création ou la reprise d’un terrain de camping paraît de prime abord facile. En réalité, le rachat, et a fortiori la création d’un terrain de camping, se révèle être une opération délicate voire risquée, eu égard notamment à la concurrence existant sur le secteur, à l’importance des capitaux investis et aux contraintes liées à l’application de la réglementation spécifique à cette activité. Le camping est le mode d’hébergement touristique qui a connu la plus importante évolution depuis une vingtaine d’années grâce à une montée en gamme très rapide et parce qu’il a su séduire de nouvelles clientèles. Cette activité est un secteur très profitable avec un chiffre d’affaires qui a été multiplié par 2,5 en 15 ans, un excédent brut d’exploitation retraité qui peut dépasser allègrement les 40 % du chiffre d’affaires ; une profession enfin, qui peut compter sur une nouvelle clientèle qui a découvert les charmes de l’hôtellerie de plein air. Les campings français ont enregistré une fréquentation record de 125 millions de nuitées en 2018, soit une progression de près de 10 % depuis 2011, selon le bilan de la FNHPA. Cependant, on ressent chez beaucoup de gestionnaires de terrain de camping une certaine inquiétude et des difficultés à voir leur activité se développer aussi rapidement qu’on pouvait le constater il y a encore 5 ans. En effet, après avoir vécu une dernière décennie avec un développement très important du parc locatif accompagné d’une montée en gamme très significative, nombre de gestionnaires ressentent un tassement, ou tout du moins une progression moins forte de leur activité. Or, si c’est bien le développement de l’hébergement locatif qui a permis de dynamiser la rentabilité du secteur, il semble aujourd’hui bien plus hasardeux d’imaginer qu’on puisse maintenir un développement du parc locatif aussi soutenu dans les années à venir.
Prime au “tout compris”
En effet, des signes d’essoufflement apparaissent. Le contexte économique général induit des modifications de comportement du vacancier lequel privilégie des congés de proximité, flexibles et abordables en termes de prix ; tout en appréciant les vacances conviviales, en famille, il est séduit par les offres “tout compris”. Les exploitants de camping doivent aussi composer avec le durcissement de leur environnement. Plusieurs éléments peuvent traduire un essoufflement de l’activité et une fragilisation de leur modèle économique :
- On peut constater une arrivée à maturité de l’activité. Après avoir pris des parts de marché à d’autres modes d’hébergements touristiques, l’HPA est aujourd’hui menacée par la montée en puissance de la location entre particuliers. Il devient primordial que les gestionnaires se posent les bonnes questions sur leur produit, leurs offres et leurs spécificités afin de continuer à exister et être profitables.
- Aujourd’hui, les revalorisations tarifaires sont plus difficiles à imposer, tant aux campeurs dont le budget vacances est comprimé du fait du recul de leur pouvoir d’achat que par l’intervention de plus en plus significative de tour-opérateurs et d’OTAs qui multiplient les offres promotionnelles pour attirer une clientèle à la recherche du meilleur rapport qualité/prix.
- La professionnalisation du secteur fait que de plus en plus de terrains de camping adoptent une politique commerciale beaucoup plus affirmée entraînant une concurrence plus forte entre eux. La conséquence première est qu’il devient de plus en plus difficile d’assurer un taux de remplissage satisfaisant en dehors de la première quinzaine d’août, et ce malgré des efforts importants réalisés dans l’aménagement du terrain, les prestations offertes et les moyens de commercialisation plus pertinents. Avant, les clients venaient tout seul. En plus d’une réflexion obligatoire à avoir sur le produit camping, il faut aller les chercher et développer son marketing et sa communication pour les attirer. Les petits terrains n’ont malheureusement pas toujours le recul nécessaire et les moyens financiers pour mettre en place une politique de commercialisation efficiente. Face à ces constats, on remarque que l’HPA, historiquement très atomisée, s’est structurée. Soutenus par des fonds d’investissement, de nouveaux opérateurs sont rentrés sur le marché, tandis que les indépendants se sont organisés. Seulement 13 % des campings français représentant 28 % des emplacements sont membres d’une chaîne ou d’un groupe. On peut penser que cette consolidation ne va pas s’estomper. De plus, ces dernières années, les campings ont été soumis à de nouvelles obligations et normes, avec des conséquences financières souvent difficiles à supporter.
Cette présentation rapide de l’évolution du secteur montre qu’investir dans l’HPA peut présenter beaucoup d’attraits mais que cela ne doit pas se faire sans avoir préalablement bien mesuré ses motivations et disposer des outils nécessaires pour mesurer les chances de réussite du projet envisagé. En dix questions, faisons le tour du sujet.
L’une des premières conditions pour prétendre au titre de “Repreneur d’un camping” est d’avoir le profil d’un chef de petite ou moyenne entreprise. L’important est de pouvoir prendre et d’assumer seul toutes les décisions.
Pour réussir, le repreneur devra par ailleurs présenter les qualités suivantes :
- Savoir tout faire ou presque, dans le bricolage, mais sans surestimer ses capacités !
- Avoir le sens du contact et aimer la relation clients.
- Accepter de limiter (voire sacrifier) ses revenus sur les premières années (2 à 5 ans).
- Avoir conscience qu’il faudra se former sur des savoirs qui sont loin des préoccupations premières des repreneurs (commercialisation, informatisation, pricing…).
Pour résumer, “connais-toi toi-même et tu sauras si tu es prêt pour le camping”.
EXEMPLES D’ERREURS PRÉJUDICIABLES :
- Un repreneur a minimisé lors de son acquisition le niveau technique désastreux du camping acheté et s’est rendu compte une fois en place qu’il n’avait pas les compétences techniques suffisantes pour rapidement remettre à niveau le terrain et donc a dû faire intervenir des professionnels. Tout cela n’avait pas été prévu dans le prévisionnel de reprise et donc pas financé par les banques. Conséquence : des problèmes de trésorerie sont apparus dès la première année empêchant de mettre en place le plan de développement prévu et les gérants n’ont pas pu se rémunérer pendant 5 ans. Ce qui au démarrage était un rêve pour le repreneur est malheureusement devenu une contrainte pesante.
- Un couple de repreneurs n’avait pas conscience de l’importance de la commercialisation et n’avait aucune idée de l’impact d’un site internet non optimisé et mal référencé avec une tarification qui n’était pas réaliste selon les périodes commercialisées. Conséquence : ils n’ont pas anticipé une forte diminution des réservations et ont complètement raté leur première saison. Pour la deuxième saison (par soucis d’économie budgétaire), ils ont fait refaire leur site web par un membre de leur famille qui n’avait pas le niveau et les connaissances pour réaliser un outil à la hauteur des enjeux et ils n’ont pas voulu revoir leur politique de commercialisation. Conséquence : la deuxième saison n’a pas été meilleure que la première et les gérants se sont mis en graves difficultés financières (dossier en redressement judiciaire).
La période de recherche demande quasiment un temps plein. Pour saisir les opportunités et aller vite à étudier, mieux vaut avoir une grande disponibilité, l’objectif est ainsi clairement défini et la détermination importante.
Il ne faut pas oublier que le nombre de terrains de camping à vendre est faible comparativement aux acquéreurs potentiels. Il faut donc être réactif pour les visites, les recherches diverses et le montage du dossier. De plus, beaucoup de repreneurs potentiels sont des salariés qui peuvent bénéficier, s’ils sont licenciés, d’aide à la reprise. En revanche, il faut savoir que le montage des dossiers de reprise impose des contraintes qui peuvent faire rater une opportunité.
EXEMPLE D’ERREUR PRÉJUDICIABLE :
Un couple souhaite acquérir un camping et tous les deux sont salariés. Ils pouvaient chacun prétendre à un licenciement mais pour des raisons de prudence ils n’ont pas souhaité être licenciés suffisamment tôt. La reprise s’est accélérée et le montage juridique nécessaire à l’acquisition a dû se faire avant leur licenciement effectif.
Conséquence : ils n’ont pas pu solliciter l’aide de Pôle emploi. À la clé, une perte de 50 K€ sur 2 ans !
La première affaire doit être faite sur une base raisonnable. Selon beaucoup de professionnels, le camping est devenu un produit de luxe difficile à s’offrir, avec des prix souvent dissuasifs. Le ticket d’entrée sur le secteur est donc élevé. Comme sur les petits établissements, les banques demandent souvent entre 40 et 50 % d’apport et il existe peu de campings à moins de 800 000 € (murs et fonds) qui permettent d’assurer une rémunération, il est donc plus raisonnable (pour les apports de moins de 400 000 €) d’élargir les recherches sur différentes pistes :
- Poste de direction ou gérance pour se constituer une première expérience valorisante,
- Délégation de service public pour une première acquisition,
- Acquisition du terrain en deux temps (fonds de commerce puis terrain).
Pour les campings plus importants, il faut prévoir entre 30 et 40 % minimum en apport.
LES CONSEILS :
- Dans un premier temps, faire une bonne première opération de taille raisonnable pour acquérir une expérience sur le secteur sur 3 ou 5 ans.
- Dans un second temps, revendre le camping pour repartir sur une nouvelle affaire pour les plus ambitieux.
- Ensuite, il faut bien mesurer la capacité de la cible à couvrir l’endettement nécessaire à mettre en place avec votre apport. On peut tomber sous le charme d’un camping au point de se dire que ce sera celui-là et pas un autre mais il ne sert à rien de s’acharner sur un projet. N’oubliez jamais que vous devez avoir en tête lors de l’acquisition d’un terrain – en plus du prix d’acquisition – tous les investissements qui peuvent intervenir postérieurement et qu’il ne faut pas minimiser dans un secteur ou la réussite passe par une amélioration du service. Cela va indéniablement engendrer des investissements complémentaires (renouvellement du parc locatif, mise en place d’une couverture de piscine, investissement sur les jeux…). Sachant que si ces investissements ne sont pas faits, cela risque d’être préjudiciable pour maintenir la compétitivité du terrain et donc assurer la pérennité…
- Enfin, ne pas avoir un apport totalement disponible au moment de la transaction peut vous faire passer à côté de l’affaire de vos rêves. N’oubliez pas qu’un vendeur privilégiera toujours un acquéreur pouvant assurer que la transaction ira vite à son terme plutôt qu’un autre qui devra justifier qu’il pourra mettre sur la table dans les délais convenus les fonds nécessaires. Sous tendre la possibilité d’acquisition à un éventuel prêt relais dans l’attente de la vente d’une maison, par exemple, est aussi de nature à freiner l’avancement du dossier.
Heureusement non. C’est probablement l’avantage du secteur : le camping est aussi très séduisant par sa rapide capacité d’adaptation. Beaucoup de repreneurs ont réussi dans le camping sans rien y connaître mais avec une réelle adéquation entre leur profil et les qualités nécessaires à la réussite du projet.
Le processus de la reprise est long, parfois plus de 18 mois. Le repreneur devra donc pendant cette période parfaire son projet et acquérir de l’expérience en ouvrant et en étudiant le maximum de dossiers, c’est incontournable sur ce secteur. On parle souvent de persévérance, de temps et d’efficacité. Cette période lui permettra, entre autres, d’apprendre les codes du secteur, de voir différents types d’établissements ou de zones géographiques, de comprendre le fonctionnement des campings et des gestionnaires et surtout de se familiariser avec les chiffres, les évaluations et les ratios des campings. Et n’oublions pas : il n’y a pas de mauvaises questions, il faut réapprendre à apprendre face à un tel projet.
Il faut tout d’abord se familiariser avec le secteur pour en apprendre les codes et les usages.
Pour éviter de perdre espoir et avoir plus de chances de réussite, il est conseillé d’avoir une vraie démarche de reprise et d’élargir au maximum ses recherches et sa formation avec notamment les étapes suivantes :
- Partager, valider et obtenir l’adhésion de ses proches pour le projet de reprise.
- Se former au secteur en participant aux séminaires de formation organisés par les agences spécialisées (tel le Cabinet Cantais, NDLR) et aux formations dispensées par les CCI, (comme en Vendée).
- Rencontrer les professionnels du secteur, institutionnels et agences spécialisées pour se confronter à la réalité du métier.
- S’abonner aux revues professionnelles.
- Aller sur les salons professionnels.
- Et pour les premières démarches de dossiers : cadrer son projet, étudier et visiter des campings et valider les projets potentiels avec un professionnel du secteur.
C’est sans aucun doute à ce prix que se joue l’effet d’expérience pour connaître et maîtriser les règles du jeu du secteur HPA. Apprendre à diagnostiquer vite et avoir des repères d’évaluation des campings est une des clés de réussite pour saisir à terme les bonnes opportunités. Pour se faire l’autodiagnostic et l’analyse prévisionnelle sont des outils de base à toute étude préalable afin d’identifier la faisabilité et le potentiel des projets.
Sur un secteur où il faut savoir agir vite et bien, c’est un moyen qui permet en quelques questions de diagnostiquer le camping en faisant ressortir ses points forts, ses points de vigilance et d’identifier rapidement ces potentialités et les leviers sur lesquels le repreneur pourra agir pour développer l’affaire. En quelques questions bien ciblées, on fait le tour du propriétaire et ainsi on mesure et on conclut sur l’opportunité ou le risque de reprise.
Au terme de ce diagnostic, vous devez pouvoir répondre à ces quelques questions sur le terrain ciblé :
- Correspond-il au projet ?
- Présente-t-il un potentiel de développement ? Si oui, lequel ?
- Le niveau d’investissements est-il accessible pour le vendeur ? Est-ce que ça passe financièrement ?
- Le prix est-il cohérent par rapport au niveau “d’évaluation flash” ? (cf. question 9).
Toujours pour se positionner rapidement sur les affaires, se procurer les différents repères à une “évaluation flash” est un préalable indispensable pour le repreneur qui souhaite au-delà du prix de vente annoncé du camping, savoir combien il vaut réellement. À ce stade, l’idée sera de déterminer si le prix affiché paraît “juste” et si la valeur qu’on souhaite proposer au vendeur semble accessible ou pas pour poursuivre la négociation car il faut bien dissocier deux notions très différentes : la valeur et le prix. Le passage de l’une à l’autre résulte des circonstances, des conditions de l’opération et de la négociation.
C’est souvent en fonction de l’autodiagnostic et de l’évaluation flash que l’on peut débusquer certains faux vendeurs. Un prix jugé excessif par rapport au produit donnera rapidement des éclairages au repreneur. Il est fortement conseillé de prendre des conseils indépendants. Sur un même dossier, il est difficile d’être juge et parti.
Par Mrs OLIVIER GAUTRON et BRUNO RAVARD
Cabinet comptable BDO, spécialiste en hôtellerie de plein air.
Réseau national.
Source : OT 390, Décembre 2019.
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