Avec 90 % des acheteurs de campings issus de l’hôtellerie de plein air, le secteur immobilier du camping semble ne vouloir fréquenter que son milieu… Ce n’est pas faute de candidats à l’achat de terrains, mais plutôt à la méfiance des banques qui, depuis fin 2008, refusent de prendre le moindre risque.
Les agents immobiliers spécialisés dans le secteur du camping sont tous unanimes : la crise financière a entraîné une redistribution des cartes parmi les candidats à l’achat de camping. Aujourd’hui, ce sont les professionnels issus du milieu de l’hôtellerie de plein air qui ont l’aval des banques, ainsi que les personnes ayant une solide expérience de gestion d'entreprise dans un autre secteur. « On est aujourd’hui sur un marché tendu », observe Jean-Marc Crépellière de l’agence France Transactions Camping, « l’année 2009 a été difficile, même si on a observé une embellie entre octobre et décembre. Il y a eu en effet plus de dossiers étudiés au cours du dernier trimestre. Mais depuis janvier, la rigueur est de retour. Paradoxalement, nous sommes sur un marché en croissance, mais les banques appliquent les critères de l’industrie. Elles recherchent en effet de la rentabilité pure et dure, elles ne veulent que de la marge. »
Bien qu'il n'y ait aucun chiffre précis pour l'affirmer, les principaux observateurs du marché immobilier du camping estiment qu'une bonne centaine de campings changent de main chaque année. Les ventes en direct, sans l'intermédiaire d'une agence immobilière, seraient de l'ordre de 10 à 20 % grand maximum. Ces estimations sont les mêmes aujourd'hui qu'avant la crise. Ainsi, ce n'est pas tant le nombre de transactions qui a changé que le profil des acquéreurs. Avec moins de 9 000 campings en France, ce marché reste une niche qui trouve beaucoup plus de candidats à l'achat qu'à la vente. Les propriétaires de campings ne voient donc pas la nécessité de baisser les prix, malgré l'insistance les banques qui refusent désormais de soutenir les « petits » apports. « A mon avis, cette situation va au détriment de la profession, car elle empêche d'apporter « du sang neuf ». Les critères extrêmement rigoureux des banques provoquent en effet un grand découragement des particuliers qui viennent d’un autre secteur économique et qui ne parviennent pas à acquérir la confiance des banquiers. Aujourd’hui, 90 % des acquéreurs que l’on voit passer, sont déjà propriétaires de campings », constate M. Crepellière. « On n'a en effet jamais travaillé avec autant de professionnels de l'HPA », confirme Sébastien CANTAIS qui gère le Cabinet CANTAIS dans l’Hérault, « le camping est devenu un produit de luxe que les particuliers ont du mal à s'offrir ».
Parmi les acheteurs issus de l’hôtellerie de plein air, il y a ceux qui revendent leur camping pour en acheter un plus gros et ceux qui achètent leur 2e, 3e voire 5e ou 6e terrain… C’est également eux qui peuvent se permettre de racheter des petits terrains sous équipés pour les annexer à un autre camping. Le marché des vendeurs reste quant à lui toujours à peu près le même. Ce sont des gens qui atteignent la retraite ou bien veulent changer de camping. « Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que d’ici 5 ans, beaucoup de campings en Vendée soient mis en vente. Car la moitié des propriétaires de ce département ont aujourd’hui plus de 50 ans ! ». Généralement, les propriétaires de campings ont une notion surfaite de la valeur de leur bien. « Le vendeur a toujours le château de Versailles à vendre! C’est difficile de lui remettre les pieds sur terre », constate Jean-Luc Louin du Cabinet Espace Océan. Mais pour estimer la valeur d’un camping, il y a surtout les chiffres très parlants des bilans comptables sur lesquels s’appuient les banquiers et qui détermineront leur niveau de confiance dans le projet…
Aujourd’hui, les banques recherchent une garantie financière chez les porteurs de projets. Celle-ci est davantage équivalente aujourd’hui à 50 % qu’à 30 % comme par le passé. Il faut donc apporter la moitié du prix d’un camping pour avoir une chance d’être suivi par les banques. Mais dans la réalité, les banquiers prennent en compte tout un ensemble de critères. « Les banques prêtent sur des affaires finançables. Elles voient tout de suite si l’excédent brut d’exploitation (EBE) va permettre à l’acquéreur de rembourser son emprunt. C’est l’EBE qui va déterminer l’apport », explique Franck Dalbe, de l’agence Azur Ocean Immobilier. « Ainsi, même si on a un apport très important, on peut se voir refuser un emprunt ». Pour rassurer un banquier, l’EBE doit se situer entre 35 et 40 %. Car en dessous, l’entreprise risque de perdre sa capacité à financer ses investissements et rembourser ses emprunts. Au-delà de 40 %, le banquier pourrait considérer que l’entreprise n’investit pas assez et vit trop sur ses acquis.
« Il y a 4 ou 5 ans, des gens ont acheté un camping beaucoup trop cher avec un apport insuffisant et se trouvent aujourd’hui en difficulté. Or, nous ne sommes pas là pour amener les acheteurs dans la difficulté », précise Jamy Robert, Immobat. « La majorité des gens qui nous appellent ont 300.000 euros d'apport. Mais à ce prix-là, on n'a rien », remarque Pierre-Jean Mauvin de l'agence Concerto basée à Fréjus. A ce niveau d'apport, les banquiers ne prêtent pas, puisque ce montant ne correspond même pas à 50 % du prix le plus bas d'un camping. « Les campings sont des affaires qui commencent au million d’euros et vont parfois jusqu’à 30 millions ! », remarque Jean-Luc Louin. « Avec un apport de 400.000 euros, je peux encore trouver des affaires que l’on vend 800.000 euros qui sont en bon état, ont une comptabilité saine et de belles perspectives de développement ». Les campings sont-ils trop chers? C’est a priori ce que pensent les banques qui voudraient voir les prix baisser. « Le prix réel des campings n’est pas à la baisse, car d’une part il y a toujours moins de vendeurs que d’acheteurs, et d’autre part, il n’y a quasiment plus de création de campings, donc l’offre ne s’accroît pas. Mais il est évident que certains excès ont été stoppés », remarque Sébastien CANTAIS. « Ce qui a fait augmenter la valeur du camping, c’est le nombre important de demandes dans les années 90. Cela a renforcé le positionnement des vendeurs qui ont augmenté leurs prix ». A cette époque, tout le monde voulait acheter un camping, un métier a priori facile avec une faible charge de travail.
Pour pallier les difficultés de transactions liées à la crise, il existe une autre solution qui sert à la fois les vendeurs et les acquéreurs : la vente séparée du fonds de commerce et des murs. On estime généralement que le fonds de commerce et les murs sont de valeur égale. Il est ainsi plus facile pour un « petit » porteur de projet de mettre le pied dans le secteur du camping quand il n’a que la moitié du prix du terrain à sortir de sa poche. « Je pense que c'est une tendance qui va se développer », estime Jean-Pascal Guerandel de l’agence ADES. « Les propriétaires de campings veulent généralement vendre la totalité du terrain. Mais une fois qu'ils ont empoché un ou plusieurs millions, ils vont placer cet argent à moyen terme à un taux de 3 % maximum auquel il faudra retrancher la fiscalité. En revanche, avec la seule vente du fonds de commerce, le propriétaire va pouvoir toucher un revenu régulier sur les murs et avoir une rente garantie à vie ». Si cette solution a toujours existé, elle n’a pas encore amorcé le développement qu’on lui prédit. « Il y en a un peu plus que dans le passé, mais il n'y en a pas encore assez et on ne comprend pas pourquoi il n'y en a pas plus », remarque Jamy Robert, « on a des fonds de commerce à vendre, mais que dans les petits prix. Il en faudrait dans les grands prix… ». Les banques financent généralement le fonds de commerce sur 7 ans et les murs sur 15 ans.
Pour soutenir le marché, les agences immobilières mettent en place des initiatives qui portent leurs fruits. Dans l’Hérault, le cabinet CANTAIS organise deux fois par an depuis 14 ans, un séminaire de deux jours pour les candidats à l’acquisition de camping. Ainsi au mois de mai puis au mois de novembre, plus d’une cinquantaine de personnes s’inscrivent à ce séminaire où sont abordés plusieurs thèmes liés au secteur de l’hôtellerie de plein air : choisir entre acheter, créer ou remonter un camping, connaître l’évolution du marché et l’avenir de la profession, la réglementation actuelle, les différents hébergements locatifs qui existent sur le marché, l’urbanisme en matière de camping… Les participants se voient également éclairés sur les différents modes juridiques d’exploitation et leurs incidences, et reçoivent des conseils avisés en matière de négociation, d’acte de vente, de financements, de valorisation du patrimoine et vont jusqu’à étudier en détail quelques bilans types. (…)