Par Jean-Guilhem DE TARLÉ
Acheter un camping. L'idée - de moins en moins originale – titille de plus en plus de particulier désireux de se reconvertir. Mais si les candidats sont nombreux, les élus sont plus rares. Quelles sont les tendances et les réalités économiques du marché ? Quels sont les prix des campings ? Comment estime - ton une affaire ? Visite des lieux.
"Recherche camping prox. Mer 100/150 emplacements, env. 450. 000 Euros" Nombreux sont les particuliers qui, après leurs vacances d'été, souhaitent reprendre un camping, de préférence dans le Sud de la France, avec accès direct à la plage et un bon potentiel de développement… Le tout pour un montant raisonnable. A croire que l'hôtellerie de plein air est l'Eldorado de la reconversion professionnelle. A la rédaction de L'O.T., on ne compte plus les appels téléphoniques, en particulier en septembre - octobre, d'acheteurs potentiels qui nous demandent si nous ne connaissons pas un camping en vente, une bonne "occase". Et ce n'est rien à côtés des agences immobilières qui croulent sous les demandes, "Je reçois entre 1.000 et 1.200 appels par an d'acheteurs potentiels", explique Sébastien Cantais, responsable de l'agence Cantais, spécialisée dans le marché de l'HPA du Sud Est de la France, Une tendance confirmée par ses collègues. Le hic ! La demande est très largement supérieure à l'offre. Et pour cause, l'H.P.A. est un marché confidentiel, pour ne pas dire un micromarché avec ses 9.000 établissements classés dont environ 35 % de municipaux.
"Il est difficile de dire combien il y a de campings à vendre à un instant T. Un terrain peut être annoncé par plusieurs agence, dans la presse spécialisée et sur Internet en même temps, tandis que d'autres établissements ne passent pas par des agences et se vendent sans intermédiaire et sans que personne ne le sache, explique André LAUCK, directeur de l'agence C.E.R.I. à BISCAROSSE (Landes). On peut estimer qu'il existe en permanence environ deux cents campings à vendre dans toute la France. Et encore, c'est le grand maximum". Car il est bien sûr question, ici, des campings qui sont réellement en vente… Certains gestionnaires n'hésitent pas, en effet, à passer des annonces et à contacter des agences immobilières pour mettre leur établissement en vente avant de se rétracter le jour où ils trouvent un acquéreur ! La raison ! Connaître la vraie valeur de leur bien et non une simple estimation faite par une agence. "Cette pratique est, hélas, assez courante dans la profession et elle fausse la photographie du marché", regrette d'ailleurs un agent immobilier spécialisé dans l'HPA.
Autant le dire tout de suite, pour acheter un camping, mieux vaut être motivé. Car si les candidats à l'achat sont nombreux, les élus sont rares, il n'y a pas de place pour les rêveur qui imaginent qu'un hôtel de plein air s'achète comme un appartement et qui pensent qu'ensuite ils ne travailleront que trois, voir deux, mois par an. D'ailleurs, nombre d'agents immobiliers n'hésitent plus à décourager les acheteurs potentiels en leur expliquant que le travail au vert ou au bord de la Grande Bleue, ce n'est pas tout rose.
Et puis surtout, il faut un apport financier important. "95 % des personnes qui recherchent un camping que je rencontre n'en auront jamais à cause du prix, confie André LAUCK. Statistiquement, quelqu'un qui hésite entre reprendre un bar - tabac, un magasin de presse et un camping, n'aura jamais un camping."
Nombreux sont, en effet, les acquéreurs potentiels qui imaginent que quelques dizaines de milliers d'euros suffisent pour devenir propriétaire d'un camping. A tort évidemment. Car les hôtels de plein air à vendre sont rares et ce qui est rare est cher. "Même s'il est petit, un camping a une valeur non négligeable par le seul fait d'exister", souligne Sébastien CANTAIS. "D'ailleurs, un terrain qui valait un million d'euros en 1997 en vaut 1,7 million aujourd'hui, même s'il n'a pas évolué" (…).
Reste que si les campings valent cher par définition, ils souffrent aussi et surtout de prix surestimés selon la majorité des agents. "Je pense que 80 % des affaires le sont par rapport à leurs vraies valeurs", confie André LAUCK. "Il m'est arrivé de refuser un camping car je l'estimais à 1,4 million d'euros, alors que le propriétaire en voulait 2,2 millions d'euros" (…). Et d'ajouter : "Les campings sont chers, et il ne faut pas croire qu'une catastrophe du type Erika a entraîné une baisse des prix à l'époque."
Mais, si certaines agences sélectionnent leurs campings pour éviter de perdre du temps et de l'argent, d'autres, en revanche, sont moins scrupuleuses et acceptent de mettre en avant des terrains surestimés. Et la multiplication des agences immobilières ces dernières années n'a en rien modéré les ardeurs de certains gestionnaires, lesquels veulent évidemment vendre leur affaire au prix le plus fort. Un prix qu'ils fixent en fonction du montant du terrain d'un collègue, lequel a vendu très cher son établissement… Oubliant au passage que ce collègue n'est pas situé au même endroit.
D'autres additionnent les investissements réalisés sans tenir compte des amortissements comptables et de l'état de croissance du terrain. Mais, en appliquant un coefficient sentimental (attachement du propriétaire à son terrain) (…). En attendant, le marché tend à se paralyser, ce qui explique pourquoi certaines affaires mettent parfois cinq ans avant de se concrétiser. A la décharge de nombreux gestionnaires qui estiment eux-mêmes le montant de leur établissement, les méthodes de calcul qui permettent dévaluer la valeur d'un établissement peuvent paraître floues. "Chaque cas est particulier", affirment d'une même voix les agents immobiliers. Tout dépend de la situation géographique du terrain (bord de mer ou intérieur des terres, proximité ou non d'un site touristique), du chiffre d'affaires, du nombre d'emplacements, de la répartition entre le revenu tiré des emplacements et celui tiré des commerces annexes, du taux d'équipements, etc.
Il m'empêche que le prix d'un camping ne doit pas dépasser quatre fois le montant de son chiffre d'affaires. "C'est une estimation couramment avancée par les établissements bancaires (…). Mais si le terrain se situa à moins d'un kilomètre du bord de mer sur la façade Atlantique, il prend 20 % de valeur en plus." Pour d'autres spécialistes du monde du camping, le prix ne doit pas excéder dix ans de bénéfices reconstitués. Une chose est sûre : pour le fonds de commerce, il est utile de distinguer le chiffre d'affaires des emplacements et des hébergements locatifs de celui des commerces annexes (bar, épicerie…) qui est moins important. Quant à la valeur des murs, certains multiplient par dix la valeur locative annuelle des murs. "Tout dépend de l'état des voiries, des réseaux de raccordement, des équipements (espaces aquatique), de la présence d'une habitation et, bien sûr, la situation".
Très au fait des prix du marché, les agents immobiliers affirment être les mieux placés pour évaluer le montant d'un camping. D'ailleurs, ils n'hésitent pas à faire état de transactions entre particuliers qui se sont déroulées à des prix surévalués, voir grotesques.
"Résultat, nous récupérons régulièrement des affaires de ce type dans les deux ans qui suivent l'achat car le repreneur n'arrive plus à joindre les deux bouts, confie un agent. D'ailleurs, notre rôle, c'est aussi de conseiller les futurs acquéreurs." Certaines agences, à l'instar de celle dirigée par Sébastien CANTAIS à Montpellier, organisent même des séminaires consacrés à l'achat d'un camping. Tandis que d'autre évoquent les conditions d'installation et de vie du futur acquéreur. "Pour quelqu'un qui reprend un terrain dans un village isolé, il est important de soulever les questions périphériques au camping : la maison d'habitation, l'école la plus proche, les commerces à proximité, etc. C'est aussi important que la rentabilité du camping" rappelle André LAUCK. En effet, ils sont nombreux les "néogestionnaires" de camping qui revendent leur affaire dans les deux ans parce qu'ils s'étaient fait une fausse idée du métier et du mode de vie. "Beaucoup de maris rêvent d'avoir un camping dans un coin reculé, et dès le premier hiver, l'épouse déprime pendant que le mari bricole."
Toujours est-il qu'avant de partir à la recherche d'un camping, il est utile d'avoir un apport personnel. Pour ne pas dire un gros apport. D'ailleurs, de plus en plus d'annonces publiées dans la presse spécialisées précisent le montant minimal qu'il faut détenir. "Pour acheter, il faut de l'argent. Et en dessous de 200 000 Euros, ce n'est même pas la peine de chercher, en tout cas pas dans le Sud", explique Sébastien CANTAIS. Et l'agent d'insister : "il faut raisonnablement 40 % d'apport personnel." Pour Jean-Luc MARTIN la moyenne de l'apport doit osciller entre 40 et 50 % du prix du camping pour que le dossier passe auprès des banques. "Cela dépend aussi de la capacité du futur acquéreur à convaincre le banquier de sa motivation, de son profil. Il nous arrive de réaliser des transactions avec un apport de 610 000 Euros pour un terrain à 1,68 millions d'euros avec un fort potentiel de développement", tempère-t-il. A contrario : "De plus en plus de banques refusent de prêter de l'argent quel que soit l'apport quand le prix du camping est trop élevé. Elles ne veulent pas prendre de risques. Certes, les dépôts de bilan sont rares dans la profession, mais je pense que dans cinq ans, on en verra. Car, depuis quelques années, deux phénomènes jouent contre les campings : les mauvaises conditions climatiques l'été et les catastrophes du type Erika.
Existe-t-il tout de même de bonnes affaires ? Oui répondent les spécialistes. Et il ne faut pas croire qu'en dessous de 100 emplacements, un terrain n'est pas viable. Se sont souvent les petites affaires qui permettent de dégager les plus grandes marges. Mais il est vivement conseillé de reprendre un camping capable d'évoluer, en particulier en termes d'emplacements locatifs. Et de s'interroger sur la possibilité d'une extension. Par ailleurs, certains agents n'hésitent pas à conseiller de reprendre un terrain en zone inondable (et dont moins cher), du moins ceux qui sont susceptibles de l'être tous les quinze ans… ! "L'idéal, c'est d'acheter un camping qui a plusieurs sources de revenus : un tiers d'emplacements en forfaits annuels, un tiers de locatifs et un tiers d'emplacements nus, confie Sébastien CANTAIS. Et de conclure : "Si le produit est bon, le camping reste un excellent placement patrimonial qui offre une qualité de vie incomparable."
Certes, il n'existe pas de guide du parfait petit gestionnaire de camping. Cependant, rappelons que cette profession nécessite d'avoir plusieurs casquettes. Pour un couple, l'idéal serait le partage des taches entre le mari bricoleur et la femme qui tiendrait la comptabilité. Une expérience dans un commerce est d'ailleurs conseillée. En outre, être polyvalent est impératif. Savoir tenir une réception, réparer une fuite d'eau dans les sanitaires, renseigner les clients sur les activités à faire dans sa région, embaucher et gérer du personnel, sont autant de qualités indispensables pour gérer un hôtel de plein air/ Mas ce n'est pas tout. Savoir communiquer et promouvoir son établissement est indispensable . UN camping n'est pas une pharmacie… Négocier avec des tour - opérateurs, se déplacer sur un salon pour rencontrer ses clients potentiels et s'intéresser aux nouvelles technologie (Internet) sont, là encore, différentes facettes du métier: Entre autres, il est vivement conseillé de se tenir au courant des textes réglementaires qui régissent la profession, De la Réglementation des aires de jeux en passant par les conditions d'installations des hébergements locatifs; ou encore les questions qui touchent à la sécurité des piscines… Les textes sont nombreux. Et comme chacun sait, nul n'est sensé ignorer la loi. Enfin, mieux vaut ne pas avoir peur de la surcharge de travail, en particulier l'été et avoir un certain sens des affaires.